Chronique de quartier

Me voilà partie de chez moi pour découvrir nouveau mon quartier, le 18ème. Je décide tout d’abord de me rendre à la bibliothèque Robert Sabatier, métro Jules Joffrin, derrière la mairie. Là-bas je me prends la tête avec l’employé qui s’offusque que je récupère moi-même mon livre réservé dans son espace. Qu’est ce que j’en sais moi que ce n’est pas en accès libre, à la médiathèque du 20ème on se sert tout seul. J’ai la gueule dans le cul et pas très envie de me faire emmerder par un petit français qui se croit investi d’une mission divine que je viendrais de dézinguer par mon culot. Donc je le rembarre, et lui de faire croire à tout le monde qu’il m’a parlé correctement. Enfin il a dit exactement “sans aménité” qui signifie “sans politesse”, le con, ça fait bien pour un bibliothécaire de se tromper sur le sens des mots. Finalement  il a raison, il a pas été poli. Je n’ai pas voulu surenchérir, j’ai juste pris mon livre, basta. Je bouquine un peu puis me casse. Je pars à droite, en espérant ne pas faire comme d’habitude, c’est à dire emprunter les chemins déjà connus sans m’en rendre compte. Tiens une boulangerie qui a l’air de faire du bon pain, mmmh… et ah à droite un atelier de sculpture,. Je m’arrête, le sculpteur m’aborde et me dit qu’il travaille le métal en ce moment. Je veux parler intelligent mais j’ai la tête fatiguée, en plus j’ai l’impression qu’il est content de parler tout seul. Je reste un peu, absorbe l’ambiance du lieu puis poursuis ma route. Droite, gauche, droite, au gré du vent. Des restaus africains partout, ça propose un peu tout la même chose, du tiep bou dien, ça a l’air bon mais je sais aussi que c’est riche. De toute façon là je n’ai pas faim alors je ne teste pas aujourd’hui. Je continue et tombe sur la coopérative de la Goutte d’Or, cool, je cherchais des bons produits justement, bon ils sont fermés mais maintenant j’ai les infos. A deux pas, la coopérative a justement organisé une journée bouffe, animations créatives et musique, dans les locaux d’une asso musulmane. Le lieu est sympa, j’ai loupé le buffet, tant pis, je profite des deux musiciens chanteurs sur la scène dans la cour intérieure. Une bonne ambiance règne, on sent que les gens sont des habitués quartier, quelques enfants s’amusent. Je rentre à nouveau dans les murs, visite l’expo en cours puis reprends ma route. Cool un chouette jardin partagé, mais rhaaa, je ne peux pas rentrer, en effet il faut qu’il y ait un adhérant qui y soit pour que vous le visiter. Je lis des flyers accrochés au grillage. L’un d’eux parle du “bois Dormoy” apparemment un espace laissé en friche depuis 20 ans dans ce quartier de la Goutte d’Or, et qui aurait carrément créé une petite forêt. Menacée d’être rasée semble-t-il, voici les infos: http://fr.ulule.com/sauvonsleboisdormoy/ Ca a l’air d’être ouvert le weekend alors demain s’il fait beau inchallah j’irai voire cette forêt urbaine. Je lève les yeux, tiens une dame à l’intérieur des grilles, cooool.
– “Madame, vous pouvez m’ouvrir s’il vous plaît?”
Et me voilà à l’intérieur, accueillie par une vieille et un chien gardien qui n’est pas méchant mais qu’il ne faut pas toucher et qui me renifle la jambe. Je suis au paradis. Donc dans cet espace entre deux immeubles on trouve de tout, des plantes en tout genre, en pots ou dans des bosquets, il plane un grand air de liberté et de créativité, je respire. Me voilà à déambuler dans les allées, laissant mon regard s’égarer partout. Oh, des gros rats qui se baladent sur la table là-bas! Je me retourne vers la vieille:
– “Ce sont des rats apprivoisés? Je peux les toucher?”
Bon en fait ce sont des rats de ville pas farouches qui viennent se désaltérer dans l’eau de vaisselle de plats laissés à tremper. Oui parce qu’il y a une cabane, un coin lecture et repos et potentiellement une cuisine, voilà pourquoi les plats. Donc quand je m’approche des rats ils se cachent, dommage, j’aurais bien fait connaissance. Je repars visiter le jardin. Un monsieur me regarde de l’autre côté du grillage l’air de dire “mais comment elle est rentrée, moi aussi je veux rentrer!”, je lui indique donc par où accéder. Le voilà à l’intérieur et nous engageons la conversation. Très vite on connaît notre âge, nos boulots et nos lieux de résidence. C’est bizarre mais ce genre de conversation arrive parfois. Il me propose d’aller boire un verre, je ne m’y attends pas je réponds oui, parce que pour moi pas de problème, je suis ouverte à la conversation. Mais une petite cloche interne me sonne que peut-être il veut me draguer. Putaaaain, c’est pas sûr mais j’ai trop eu de déceptions et de mecs bizarres et collants. Je continue mon tour de découverte, puis je vais parler avec la vieille qui commence à me dire que la vie c’est dur, bla bla bla. C’est bon, les gens à la vie de merde je n’en peux plus, écouter la misère me fait douter de mon avenir alors non, je coupe court, poliment. Puis je reviens voir le monsieur pour lui signifier simplement que je poursuis mon chemin seule. Il ne semble pas peiné plus que ça, peut-être ne m’aurait il pas dragué, mais vu comment avait commencé la discussion, je m’imaginais au bout de 10 mn lui raconter mon enfance malheureuse et tout et tout. Non, ça aurait été pourri. Je me casse et décide de rentrer tranquillement. Rapidement je me retrouve en terre connue, et après quelques rues me voilà à Château Rouge, LE spot africain de Paris. Il y a une rue quasi piétonne que je veux visiter, elle a l’air très animée. En effet sur les trottoirs les boucheries, poissonneries et maraîchers ont installé leurs étales. Les prix sont très compétitifs. Je décide d’acheter un peu de bidoche pour faire un tagine. Mmmh de la chèvre, allez je m’arrête, en plus l’employé est un blanc, ça me rassure un peu, je ne connais pas encore la mentalité des africains, on va y aller doucement :)). Sympa le mec, quand je lui demande deux morceaux de collier il les choisit bien, puis je vais payer. L’homme à la caisse à l’air d’un vrai parisien à l’ancienne, je lui explique que je suis nouvelle dans le quartier, que je découvre, on discute, il est cool aussi. Arrive une africaine en boubou qui veut payer, elle râle, du coup lui réplique
– “Si on a plus le droit de parler!”
Mais la dame est pressée, on est pas chez les bourgeois ici ça se sent, la politesse est en option. Moi ça me fait rire, c’est vraiment vivant et bon enfant ici. Allez puisque la dame veut pas attendre, je m’en vais, à la prochaine Etienne. Rue des poissonniers, maintenant c’est tout droit. Encore plein d’africains qui mangent des cacahuètes vendues dans la rue. Passé le boulevard Ornano ça se calme. C’est moins vivant, je serai dans dix minutes à la maison, contente de cette aventure dans mon nouveau quartier.